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SOLIDA" <liste@solida.org>
Liban : La justice au service du pouvoir
Date:
Fri, 11 Oct 2002
OPINION
Liban : la Justice
au service du pouvoir
Depuis 1990, c'est-à-dire depuis le supposé rétablissement d'un " état de droit
" au Liban, le système judiciaire a beaucoup plus servi à éradiquer l'opposition
qu'à garantir les droits des citoyens.
Une violation peut en cacher une autre
Une nouvelle stratégie consiste à camoufler une violation en en commettant une autre, de
préférence une " énormité ", beaucoup plus médiatique, destinée à faire
diversion dans l'opinion publique libanaise et internationale.
Démonstration :
En Août 2001, des opposants sont gravement passés à tabac par les services de
renseignements au cours d'une manifestation pacifique devant le Palais de Justice de
Beyrouth. Ils entendaient protester contre une vague d'arrestations aveugle dans les rangs
de l'opposition. Des centaines de personnes sont alors détenues arbitrairement.
Tollé général :
le monde entier a les yeux rivés sur ces violations massives des droits humains, et les
interventions internationales se multiplient. Et bien sûr, lorsque quelques semaines plus
tard, la quasi-totalité des détenus est relâchée, le monde pousse un grand " ouf
" de soulagement, et pense que la Justice a triomphé sur l'arbitraire.Pourtant il
n'en est rien. L'arrestation " dans la masse ", -et la condamnation arbitraire-
d'un opposant, Toufic EL HINDI (conseiller politique des Forces Libanaises) et de deux
journalistes, Habib YOUNES et Antoine BASSIL, se sont faites d'une manière relativement
discrète. Et ces trois personnes sont toujours détenues, condamnées par le tribunal
militaire pour collaboration avec l'ennemi israélien (cette accusation est appliquée
systématiquement aux opposants) sur la base d'aveux vraisemblablement extorqués.
Au même moment et en toute discrétion la Chambre des Députés en profitait pour revenir
sur la réforme de la procédure pénale en remplaçant les articles les plus
progressistes par d'autres, constituant au contraire une régression en matière de droit.
Le 24 Septembre 2002, le procureur général près de la Cour de Cassation, Adnane ADDOUM a chargé les services de sécurité de " collecter des informations sur les Libanais et des non-Libanais qui ont établi, ou encouragé des contacts avec l'ennemi israélien afin de l'inciter à mener des actions hostiles au Liban " et sur " ceux qui ont eu au Liban des activités portant atteinte à la sécurité, au prestige de l'État et à son statut financier, et qui ont provoqué des dissensions confessionnelles ". Il a également demander de rechercher " si des personnes ont eu des activités ou tenu des réunions non autorisées par le gouvernement et susceptibles de faire du tort au Liban et à ses relations avec des pays frères arabes ". Sans précision sur ce que signifiait en particulier une " atteinte au prestige de l'Etat ", l'opposition libanaise s'est évidemment sentie visée. Et l'ébullition suscitée par la menace d'une nouvelle vague d'arrestations et de procès politiques a fait tomber dans l'oubli l'affaire de la MTV qui, ac cusée d'avoir violé l'article 68 de la Loi électorale en juin 2002, et suite à une décision du tribunal des imprimés, a été abusivement fermée par la force le 4 Septembre.
Le " climat
" plus important que le sort des citoyens
Revenons sur les propos du Procureur ADDOUM : considérant qu'un " climat anormal
" prévalait dans le pays, celui-ci a jugé que le Parquet devait s'auto saisir de
cette " affaire " (si l'on peut considérer un " climat anormal "
comme une affaire) puisqu'elle est suffisamment grave pour justifier son intervention.
Soit.
Ce que l'on constate toutefois, c'est que le Parquet ne s'est jamais " auto saisi
" de la question des 17000 disparus de la guerre du Liban, ni des dossiers des
citoyens qui ont disparu après, au vu et au su de la Justice libanaise. Peut-être
l'affaire des militaires et des prêtres libanais enlevés par les forces syriennes il y a
12 ans, en Octobre 1990, n'est-elle pas assez grave pour que le Parquet s'en saisisse ?
Peut-être la disparition de Boutros KHAWAND il y a tout juste 10 ans, le 15 Septembre
1992, ne mérite-t-elle pas une enquête approfondie ?Non, les services de sécurité se
doivent d'améliorer le climat. C'est la nouvelle tâche qui leur incombe, certainement
beaucoup plus importante que d'empêcher les enlèvements, les attentats à la bombe et à
la voiture piégée en plein cur de Beyrouth, et plus importante que d'arrêter
les assassins de
Ramzi IRANI.
J'en passe, et des meilleures. Mais peut-être devrais-je m'arrêter là, avant d'être
accusée de porter atteinte au prestige de l'Etat
Marie DAUNAY
Présidente du Mouvement SOLIDA
(Soutien aux Libanais Détenus Arbitrairement)