LE KANDILISME OU LE NEOSTALINISME
By : Joseph Mantoura
15.8.2001

J’ai du mal à gober tout ce qu’on voudrait me faire avaler. Ceci pourrait être inhérent à ma propre personnalité très sceptique, voire suspicieuse, ou plus plausiblement secondaire à la médiocrité de la vidéo. La bande annonce miroitait le scoop du siècle : M. Toufic Hindi, quintessence de la traîtrise, Carlos du Moyen-Orient, antihéros de la paix civile allait passer à table. Malheureusement je suis tombé sur un navet. Pourtant, je me suis appliqué zappant de chaîne en chaîne pour revisionner ce court métrage mettant le son à fond la caisse. J’ai varié les angles de vue de plongée en contre-plongée, j’ai fait du zooming, travelling, rewinding… Rien n’y faisait, à croire que j’avais perdu et l’ouie et mon latin.

Si je puis me permettre quelques critiques j’aurai tendance à soulever les points suivants : l’image est mauvaise, le son est inaudible, les couleurs sont délavées et les acteurs manquent cruellement d’authenticité dans leur jeu (c’est pas du John Woo). De plus, et je ne voudrai pas avoir l’air de massacrer complètement le film, mais le dialogue (quand perceptible) est d’une morosité et d’un commun comme pas possible. C’est du déjà vu et entendu. Mon concierge aurait pondu un script mieux cousu.

Il se peut que je me goure. Tout le monde ne partage pas mon avis. Notre député M. Nasser Kandil, entre autres, a tout de suite pigé rien qu’à partir de quelques bribes décousues de la bande vidéo tous les dessous de l’affaire ; Rien ne lui a échappé depuis l’introduction jusqu’à l’épilogue comme ça d’un trait. J’avoue que mon honneur a pris un sacré coup, d’autant que juste après sa logorrhée dénuée de toute ponctuation la lumière fut. L’aveu « spontané » de M. Hindi à huis-clos en catimini divulgué en partie et très probablement à son insu est sans appel. Plus besoin d’avocats, de tribunal et de jugement en bonne et due forme. L’inculpé est coupable d’emblée, la sentence est sans pitié et les poursuites devraient viser tous ceux qui de près ou de loin ont entendu parler de lui. La purge doit assainir la droite, la gauche déviationniste et le centre incertain. Que M. Kandil ait si vite oublié l’affaire des vrais faux diplômes est vraisemblable, mais il avait eu au moins le droit de réponse, même à la télévision.

Certains rêvent encore de chef incontesté, de « panurgisation » de la société civile et d’un nostalgique petit Goulag pour les « ennemis du peuple », supputant à chaque occasion que le Liban se trouve sur un carrefour historique majeur (dans tous les cas il n’a jamais été ailleurs). Cette théorie reprise à Iossif Vissarionovitch Djougachvili ou plus simplement Staline ouvrirait la porte sur ses deux battants à la tristement célèbre Iejovchina ou l’épuration, la déportation et la concentration. Alors, avant que n’arrive mon tour sur vos écrans télévisés, je tiens solennellement à vous avouer, l’esprit serein et la conscience tranquille, que je n’ai jamais, au grand jamais, participé ou eu vent d’un complot tissé contre l’état et surtout nullement rencontré ou contacté des agents étrangers, israéliens soient-ils, mongols ou estoniens…
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