J’AI HONTE
By: Joseph Mantoura
11/8/2001

Le 8 août 2001 restera à jamais marqué du sceau de la honte. En ce jour nos forces armées ont investi par surprise des centaines d’appartements pour séquestrer tout ce qui leur tombait sous la main de quelque sexe qu’il soit et de 7 à 77 ans. Un pouvoir libanais a repris les mêmes accoutumés des geôles libanaises, les a balancés dans les habituels paniers à salade, a réveillé les perpétuels démons sécessionnistes et collaborateurs, recréé l’usine à la chaîne juridique et muselé au mieux les médias récalcitrants. Les trois armées (terre, mer, air) en état d’alerte maximale ont investi non pas les fermes de Chebaa, où se trouve l’ennemi usurpateur héréditaire et dont la seule évocation de la première syllabe est honnie, mais des quartiers bien résidentiels habités par des civils libanais depuis plus de 10 ans complètement désarmés depuis l’accord de Taëf et attendant le retour de leurs enfants du Chouf où ils avaient salué le Patriarche maronite et par la même occasion la réconciliation inter-communautaire tant attendue depuis la fin de la guerre civile. Tout ce remue-ménage pour quelques excités qui ont hué un pays frère ou une autorité quelconque.

J’ai honte. J’ai honte d’être libanais car dans ce pays tu peux éviter de payer tes factures d’électricité, d’eau ou de téléphone on finira toujours par sanctionner celui qui te dénonce, tu peux purger une peine plus ou moins longue en taule pour trafic de drogue il y aura par chance une promulgation d’une loi qui te permettra d’en sortir, tu peux blanchir tous les narcodollars de Colombie on te bénira pour le coup de pouce prodigué à l’économie, mieux tu peux si besoin aller planter le pavot dans les plaines on te trouvera toujours un bénéfice médicinal pour te justifier. Il t’est permis d’assassiner des militaires a Sir El Denieh sans qu’une sentence ne soit prononcée à ton encontre, tu peux le faire aussi dans la Bekaa et te présenter aux municipales ou mieux aux législatives, plus fort encore, tu peux refroidir à bout portant 4 juges de la fenêtre du palais de justice de Saida on mettra en relief quelque sombre circonstance atténuante à ton acte et si la circonstance ne se présente pas tu pourrais toujours te retirer dans un des innombrables îlots sécuritaires palestiniens peinard les pieds en éventail. Tu me diras que c’est Byzance et que tout est permis. Oui tout sauf dire «hou!» à l’encontre d’un seul pays ou d’une autorité. Tu auras alors droit à l’un de ces branle-bas de combat et étalages de muscles comme tu ne l’aurais jamais vu. On te fera tâter du militaire, du gendarme et du sombre civil local ou régional et on te fera mijoter à feu doux puis assaisonner à toutes les sauces au vu et au su de tout le monde. Au bout de tout ce cirque tu trouveras toujours un ministre qui prétendra que les arrestations se sont déroulées dans la plus pure tradition chevaleresque comme si tu étais à Berne ou à Stockholm.

C’est drôle quand je réalise la similitude des faits entre notre situation et ceux de la Genèse de l’ancien testament. Comme Adam et Eve nous avons violé le seul interdit, le sacro-saint et avons été privé de l’Eden du pouvoir. Espérons que notre « Dieu » ne nous fera pas aussi porter ce péché originel pour des générations.