L'héritage de
Jean Chrétien
Un Canada de plus en plus faible face aux dictatures du monde
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L'héritage de Jean Chrétien - Un
Canada de plus en plus faible face aux dictatures du monde
De récentes affaires à l'étranger impliquant des ressortissants canadiens montrent
qu'Ottawa joue la politique de l'autruche
Alain-Michel Ayache
Analyste politique et chercheur
Edition du vendredi 8 août 2003
http://www.ledevoir.com/2003/08/08/index.html
Une fois encore, le laxisme d'Ottawa en matière
de politique étrangère et son manque de fermeté vis-à-vis des dictatures du monde
conduisent directement à une crise diplomatique, mais cachée, afin d'éviter des
embarras quant à sa façon de mener de front de telles situations dites délicates. Un
embarras qui démontre l'impuissance d'un Canada pourtant vu par l'ensemble des pays
opprimés comme LE pays des droits de la personne et de la défense des valeurs
universelles.
ossier(s)
Ottawa
http://www.ledevoir.com/dossiers/333/
Cette position et l'image de marque qu'Ottawa faisait prévaloir dans le reste des
pays du monde semblent s'effriter chaque jour un peu plus, et notamment depuis que le
premier ministre Jean Chrétien a décidé de faire cavalier seul en matière de politique
internationale, ne prenant pas en considération celle de nos voisins du Sud. La
conséquence immédiate de cet éloignement fut la perte de crédibilité d'un Canada qui
se veut fort et respecté des régimes entiers, y compris de ceux qui s'opposent à une
Amérique hégémonique.
Résultat: le Canada est plus que jamais fragile à l'étranger, là où, il y a encore
quelques années, le passeport canadien, à lui seul, était suffisant pour sauver des
vies. Aujourd'hui, détenir un passeport canadien est synonyme d'être condamné à
l'emprisonnement, à la torture, à la mort ou à Dieu sait quelle autre action contre les
valeurs universelles des droits de la personne dont le Canada se veut le défenseur.
Trois exemples
Preuve en donnent les multiples incidents à l'étranger dont les victimes ne sont que des
Canadiens. Parmi ces derniers, notons l'exemple de Maher Arar, citoyen canadien d'origine
syrienne.
Arrêté par les autorités américaines à la suite aux mesures draconiennes que
Washington avait adoptées après les événements tragiques du 11 septembre, Arar fut
considéré persona non grata et fut expulsé en Syrie, où il est emprisonné depuis.
Certes, son expulsion par les ?tats-Unis vers la Syrie fut condamnée par Ottawa, qui
considérait qu'un citoyen canadien devrait être renvoyé vers le Canada s'il est
arrêté avec son passeport canadien et non vers son pays de naissance.
Or, voilà que monsieur Arar est renvoyé en Syrie, où le régime dictatorial des Assad
l'a enfermé dans des geôles desquelles il ne sortira sans doute que sur une civière...
à moins d'une action internationale ferme et solide contre Damas.
Ainsi, au lieu d'insister fermement sur sa libération et d'imposer des sanctions
diplomatiques et économiques contre le régime dictatorial de Bachar al-Assad, Ottawa
tourne l'oeil en répliquant par le biais de ses responsables au MAECI que monsieur Arar
est d'origine syrienne et donc considéré comme Syrien dès qu'il entre en Syrie. De ce
fait, Ottawa n'est pas en mesure de décider quoi que ce soit à son sujet et ne peut donc
intervenir en sa faveur que dans les discours politiques et lors des périodes
d'élection.
Mais que dire alors à tous ces Canadiens nés à l'étranger et qui sont venus au Canada
pour justement échapper à l'inhumanité de leurs régimes en place ? Que dire de
cette politique de l'autruche d'Ottawa, quand on sait qu'un Montréalais sur quatre est
né à l'étranger ? Est-ce une discrimination contre ceux-là mêmes qui font la
richesse culturelle et économique d'aujourd'hui au Canada ?
Deux autres cas
Le second exemple le plus frappant est celui de la journaliste Zara Kazemi. Il a fallu le
savoir-faire de son fils et ses contacts personnels avec les médias pour pousser Ottawa
vers une intervention pour se faire entendre auprès du régime des ayatollahs à
Téhéran. Là encore, Ottawa avait avancé le fait que madame Kazemi détient la double
nationalité pour expliquer qu'il ne serait pas en mesure de faire des démarches
fructueuses.
Or, l'insistance de son fils et la pression des médias ont poussé Ottawa à monter son
ton d'un cran. Un cran qui était suffisant pour avoir des réponses vraies de la part de
Téhéran et même la reconnaissance du meurtre de madame Kazemi.
Et voilà qu'aujourd'hui un troisième Canadien, cette fois-ci «de souche», est arrêté
à l'aéroport international de Beyrouth et emprisonné durant plusieurs jours sans aucune
accusation, ni condamnation. Pis, les autorités libanaises ont manqué à leur devoir
international selon les conventions de Genève, soit celui d'informer l'ambassade
canadienne au Liban qu'un citoyen canadien était en détention. Ce n'est que dix jours
plus tard qu'un informateur transmit l'information à l'ambassade.
Bruce Balfour, sexagénaire, fut arrêté à
l'aéroport international de Beyrouth en rentrant au Liban. Il faisait partie d'une
mission évangélique pour la reforestation de la forêt biblique des Cèdres, une région
entièrement contrôlée par les services secrets syriens, bien qu'en territoire libanais.
Il y a quelques jours seulement, le procureur de la République libanaise Adnan Addoum a
accusé monsieur Balfour d'espionnage pour le compte d'Israël!
Or, nul n'ignore que cette accusation est à la mode dans le lexique juridique de monsieur
Addoum pour justifier toute arrestation d'opposants libanais (et ils sont nombreux à en
avoir payé de leurs vies, alors que d'autres crèvent dans les geôles syriennes) ou
même de toute autre personne jugée dérangeante!
Dans le cas de monsieur Balfour, son passeport porte l'étampe d'une
visite en Israël. Or, selon la loi de Damas imposée au Liban, toute personne ayant
visité Israël n'est pas admissible en territoire libanais. Ce qui est, à la rigueur,
compréhensible pour un régime qui ne reconnaît pas l'existence de l'?tat d'Israël et
qui le considère toujours comme l'ennemi.
Mais de là à emprisonner une personne sans aucune autre justification... c'est tout de
même transgresser les lois internationales et la Charte des droits de l'homme de l'ONU.
Laxisme
Que l'accusation soit justifiée et fondée ou non (encore faudrait-il apporter les
preuves, ce qui n'a toujours pas été fait, et monsieur Balfour n'a pas encore bénéficié de l'aide
juridique, ni des services d'un avocat, car il est persécuté par le tribunal militaire
au Liban, connu pour être expéditif puisque géré par les services secrets syriens), il
est important de noter que le laxisme d'Ottawa persiste quant à la défense de ses
citoyens.
Dans ce dernier cas, il faut souligner que, depuis qu'Ottawa a suivi l'exemple de
Washington en mettant le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes, les
exactions contre les intérêts canadiens ont été nombreuses ainsi que les pressions
exercées par un lobby de Canadiens d'origine chiite contre cette décision d'Ottawa.
L'arrestation de monsieur Balfour fait partie de cette stratégie du
Hezbollah pour mettre fin à cet embargo politique et économique d'Ottawa, sachant que
l'argent que le Hezbollah pourra recueillir pour sa cause à travers les dons islamiques
et autres du Canada représente une somme et pas des moindres.
Au lieu d'imiter pour une fois notre voisin du Sud et les pays européens, comme la France
et la Grande-Bretagne quand il s'agit de sauver leurs ressortissants, Ottawa semble avoir
ouvert une boîte de Pandore, ce qui, par inaction et manque de détermination face à un
régime terroriste tel que celui de Damas et au régime libanais qu'il contrôle, serait
une invitation à tous les autres groupements terroristes de la même nature à suivre les
méthodes syriennes.